94 - LES COPAINS D’ABORD (Georges Brassens)

 

Non ce n'était pas le radeau de la méduse, ce bateau
Qu'on se le dise au fond des ports, dise au fond des ports
Il naviguait en père peinard
Sur la grande mare des canards
Et s'app'lait les copains d'abord, les copains d'abord

Ces fluctuat nec mergitur, c'était pas d'la littérature
N'en déplaise aux jeteurs de sorts, aux jeteurs de sorts
Son capitaine et ses mat'lots
N'étaient pas des enfants d'salauds
Mais des amis franco de port, des copains d'abord

C'étaient pas des amis de luxe
Des petits Castor et Pollux
Des genres de Sodame et Gomor, Sodame et Gomor
C'étaient pas des amis choisis par Montaigne et La Boétie
Sur le ventre ils se tapaient fort, les copains d'abord

C'étaient pas des anges non plus
L'évangile ils l'avaient pas lu
Mais ils 'aimaient toutes voiles dehors, toutes voiles dehors
Jean-pierre, Paul et compagnie, c'était leur seul litanie
Leur crédo, leur confiteore, aux copains d'abord

Au moindre coup de Trafalgar, c'est l'amitié qui prenait le car
C'est elle qui leur montrait le Nord, leur montrait le Nord
Et quand ils étaient en détresse, leur balançaient des SOS
On aurait dit des Sémaphores, les copains d'abord

Au rendez-vous des bons copains, il y avait pas souvent de lapins
Quand l'un d'entre eux manquait à bord, c'est qu'il était mort
Oui mais jamais au grand jamais, son trou dans l'aune se refermait
Cent ans après coquin de sort, il manquait encore

Des bateaux j'en ai pris beaucoup mais le seul qui aie tenu le coup
Qui n'aie jamais viré de bord, mais viré de bord
Naviguait en père peinard, sur la grande mare des canards
Et s'app'lait Les Copains d'abord, les copains d'abord

Des bateaux j'en ai pris beaucoup, 
Mais le seul qui aie tenu le coup
Qui n'aie jamais viré de bord, mais viré de bord
Naviguait en père peinard sur le grande mare des canards
Et s'app'lait les copains d'abord, les copains d'abord